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mardi 27 janvier 2015

Tolérance et Laïcité (Film "Iranien" de Mehran Tamadon)

La tolérance est un principe dont le sens a été précisé en Occident à partir des guerres de religion quand il s’est agi de penser la coexistence pacifique des confessions du point de vue de l’État. Elle suppose que l’on considère le fait d’admettre publiquement l’expression (en pensée et en acte) d’opinions ou de croyances qu’on désapprouve. Selon Brian Leiter dans son essai récent, un principe de tolérance authentique suppose qu’un groupe dominant, désapprouvant les croyances ou actes d’un groupe minoritaire, capable éventuellement de les changer, reconnaît pourtant qu’il y a « des raisons morales ou épistémiques » de permettre à ce groupe de croire ou de faire comme il le fait 1 . Mehran Tamadon incarne la revendication de la minorité (athée) à se faire tolérer par la majorité (chiite). Il s’adresse à des mollahs qui, se projetant dans la situation de l’Occident, revendiquent eux-mêmes en permanence de voir leurs opinions et croyances respectées. Ce décalage entre minorité rappelant un principe commun de coexistence dont elle dépend et majorité faisant mine de ne pas se considérer comme telle (et accusant parfois Tamadon d’imposer son point de vue) mérite d’être souligné auprès des élèves.
De fait, le réalisateur peut être vu par ses interlocuteurs comme le parangon d’une singularité exotique (française et athée). La citation célèbre de Montesquieu dans les Lettres persanes peut être réécrite du point du vue d’un mollah : comment peut-on être français ? Les élèves seront-ils sensibles à ce décalage du regard ? Si l’on s’en tient à ses positions explicites, Mehran Tamadon pose notamment le problème du principe de la laïcité comme exception politique et culturelle : il vit en France et conçoit ce principe républicain comme la condition nécessaire d’une coexistence des croyants et des non croyants, comme fondement d’une liberté de conscience, tandis que ses interlocuteurs, forts du choix historique du peuple iranien en faveur d’une République islamique, ne peuvent concevoir la laïcité que comme un principe idéologique imposé à tous, majorant à tort les libertés individuelles et minorant, voire limitant l’expression religieuse collective. Comment dépasser alors les partis pris ? Il est difficile à l’issue du visionnage du film, de savoir si les interlocuteurs ont changé de regard sur autrui.

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